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LA VIDEO ET LA POESIE

On trouve entre l’auteur et son vidéogramme, la même dialectique qui lie le peintre à son tableau. Chaque intervention sur l’image modifie l’oeuvre et modifie aussi l’intention de l’artiste.

Le vidéogramme et le réalisateur sont donc intimement liés pendant le temps nécessaire à l’aboutissement de l’oeuvre, ils forment ensemble un être composite éphémère en constante mutation pendant toute la durée de la réalisation.
Une fois terminée l’oeuvre échappe à son créateur, elle acquiert une autonomie propre, mais elle est investie d’une charge émotionnelle particulière. Charge, qui se libère à chaque rencontre avec un spectateur.

Comme une bactérie fossile, qui revit une fois extirpée de sa gangue millénaire : soumise aux feux de l’esprit, l’oeuvre renaît ; elle retrouve une parcelle de la vie qui l’a animée lors de sa création. À chaque rencontre, elle renaîtra différente.

Dans un poème, il faut se laisser envoûter par son rythme, par sa musique, par la succession de chimères engendrées par la poésie dans l’esprit.
Lorsque sa lecture est terminée, l’oeuvre a suscité en nous la naissance d’une image mentale nouvelle, elle a tissé son écheveau arachnéen, reliant entre elles des émotions isolées ou secrètes.

De même un vidéogramme fait appel à des processus de perception et de compréhension similaires. Il faut le laisser se dérouler dans sa totalité, se laisser emporter par les images, savourer son rythme, son mystère.
Il ne parle pas au conscient, mais à l’inconscient. C’est un moment partagé, une seule émotion fragmentée, dont les éléments s’assemblent petit à petit pendant ce bref parcours, où le spectateur et le film vont cheminer ensemble le long du fleuve du temps.
Une fois terminé, il laisse une empreinte tactile sur l’esprit, c’est le trahir de vouloir à tout prix en extirper une signification, un sens, un contenu. On l’accepte ou on le rejette.

Les poèmes sont à la littérature ce que l’art vidéo est à la télévision.

LE REVE.

Mon but lorsque je fais des images ou que j’écris, c’est de susciter un espace émotionnel similaire au rêve.

Je pense qu’un film ou un livre, ne doit pas être complètement limpide pour être beau et apprécié. Au contraire. Il doit comporter, des zones obscures, voire même d’incompréhension, pour que la mécanique poétique puisse se mettre en place.

Sa force reposera dans le rythme des mots, des images, de la bande sonore, la qualité de l’imaginaire proposé.
Si on verrouille l’oeuvre sur une structure trop explicite on va détruire la poésie que lui confère cette imprécision.


« Seulement de tout cela on doit conclure que l’ordre qui règle l’intelligibilité d’un message détermine également son caractère prévisible, en d’autres termes sa banalité. Plus, un message est ordonné et compréhensible, plus il est prévisible : les messages de voeux et de condoléances, qui se plient à des critères de probabilités extrêmement limités, ont une signification très claire, mais nous apprennent fort peu de choses que nous ne sachions déjà. »

Umberto Eco “L’oeuvre ouverte”


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