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LES GRANDS VOYAGEURS


Ma mère était une érudite. Agrégée d’espagnol au dernier échelon, (à chaque fois j’imagine une grande échelle avec ma mère assise au sommet, dominant le bocal des autres grenouilles.)
A quatorze ans, elle m’emmenait dans les landes bretonnes, explorer les chapelles romanes abandonnées, dont les fontaines de granit, enfouies sous les fougères, abritaient des Vénus égyptiennes héritées de mystérieux cultes païens.
Elle me détaillait l’histoire de l’architecture médiévale, me décrivant avec la précision d’un Viollet le Duc, les archivoltes, les arcs-boutants, les arcs de décharges, les voûtes en berceau plein cintre. Toute une poésie architecturale qui nourrissait mon esprit d’un imaginaire gothique.

Tout en l’écoutant, je m’imaginais sculpteur, à l’époque des bâtisseurs de cathédrale. J’avais choisi mon rôle, je serai l’artisan de la statuaire diabolique. Celui qui ornera les pourtours de nos églises cybernétiques d’un bestiaire terrifiant et obscène.
Malgré cette quête de connaissance que m’imposait ma mère, l’absence et l’ennui étaient mes plus grands inspirateurs.
Je passais de longs moments assis, perdu dans mes rêves.
Jusqu’à ce jour où desepérant de ne pas me voir lire, elle m’obligea, sur les conseils de mon professeur de français, à aller acheter quatre livres très particuliers.

C’est ainsi que je découvris d’étranges ouvrages, dissimulés parmis les livres érotiques, de la seule librairie de la ville achalandée dans ce genre.
Il s’agissait de «La Nébuleuse d’Andromède» d’Ivan Effremov, «Un Animal doué de raison», de Robert Merle, «Le Meilleur des mondes» d’Aldous Huxley et «Les Chroniques martiennes» de Ray Bradbury.

Je venais de découvrir un monde fantastique et merveilleux, une manne inépuisable pour apaiser ma soif d’évasion spirituelle. Désormais, je n’étais plus seul dans mes rêves, j’avais ouvert la porte d’une dimension parallèle, un au-delà du miroir qui me permettait de vivre dans une virtualité magique, je venais de trouver des complices, pour m’accompagner sur cette terre, dans cette vie, ils s’appelaient, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Ray Bradbury, Norman Spinrad...


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