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N° 14 été 1994

Yann Nguyen Minh ou le grand flash cyberpunk

Portrait en forme d’interview, de Yann Nguyen Minh, artiste multimédia, réalisateur vidéo, cyberpunk dans l’âme, co-auteur - avec jean Annestay et Raymond Audemard - et, réalisateur de la soirée science-fiction sur Arte, et auteur de programmes court sur Canal +.

Comment as-tu été amené à travailler sur la vidéo ?
J’ai fait deux écoles d’art (l’Ecole Nationale Supérieur des Arts Appliqué, et l’Ecole Nationale Supérieur des Arts Décoratifs). Lorsque je suis arrivé, le directeur des Arts Déco de l’époque a décidé d’investir 1 MF pour un studio vidéo. Ce fut la première école en Europe à avoir un tel matériel. De plus, c’était un atelier à orientaton art et non pas communication, un point qui allait faire de l’atelier un événement tout a fait exceptionnel dans l’histoire de l’art vidéo français. Quand ces profs m’ont expliqué que ce matériel était pour moi pendant deux ans et que je pouvais faire de l’image animée électronique, ça a fait tilt dans ma tête, “ le grand flash cyberpunk ”.

Ensuite ?
Grâce à une exposition de Don Foresta au Centre américain en 1979, j’ai rencontré Nam June Paik. Il a aimé ce que je faisais et je me suis retrouvé dans le milieu de l’art vidéo du jour au lendemain. Mais ce que je voyais, à l’époque, était trop long. J’ai donc fait un petit film de trois minutes - qui s’appelle “ 3’ 12 " avant la fin ” - très speed et complètement barré dans mon imaginaire cyberpunk avant l’heure. J’ai ensuite réalisé une installation multimédia. Le concept de départ était une simulation d’un laboratoire scientifique de recherches sur le cerveau : “ Media 000 ”.

Visionnaire ?
Sur le moment, non. Après coup, oui. Mais, totalement inconsciemment. J’ai présenté “ Media 000 ” à Christine Van Assche, conservatrice à Beaubourg, et j’ai exposé pendant trois semaines au Musée d’Art Moderne. Il y avait Dali à gauche, Picasso à droite et moi au milieu. Pour un étudiant, c’est fabuleux ! C’était une sculpture grandeur nature d’une fille allongée reliée par des câbles au magnétoscope : il y avait deux écrans vidéo en train de jouer, des projections de diapositives qui tournaient en synchro et un son stéréophonique. J’ai vraiment du être parmi les premiers à présenter à Beaubourg une installation multimédia.

“ Media 000 ” est interactif puisque tu invites le spectateur à rêver...
L’idée que je voulais évoquer était celle d’un laboratoire scientifique. Pour moi, quand tu es dans une cabine de pilotage d’avion, le lieu dans lequel tu te trouves est générateur d’imaginaire. “ Media 000 ”, c’est le but final. C’est réussir à refabriquer des environnements.

Ton rapport avec l’outil informatique ?
Dans “ Media 000 ”, c’est la poésie de la technologie qui était prépondérante. Une régie vidéo, c’est magique, et ce que tu es en train de faire, à la limite, importe peu sinon le plaisir de voyager et de toucher la technologie. Il y a, au départ, un vrai plaisir à jouer avec ces outils là. On insiste malheureusement assez peu là-dessus parce que l’on ne voit que le but à atteindre. C’est aussi un outil qui est plaisant à utiliser en tant que tel. Chaque fois que je sortais la caméra, je savais que c’était quelque chose d’exceptionnel.

L’enseignement sur les nouvelles technologies ?
Il y a un vrai problème. Les écoles sont, au départ, censées aider les étudiants à faire aboutir leur démarche de créateur, les faire mûrir. Ces écoles actuellement sont bouffées par la technologie, c’est à dire que la technologie coûte de l’argent et inévitablement les gens qui gèrent les investissements et l’orientation pédagogique des écoles sont des gens qui sont plus des technocrates, des gestionnaires, que des artistes. Du coup, les choix déterminants qui sont fait actuellement en France sont des choix qui sont plus orientés pour assouvir des besoins de pouvoir et d’arrivisme personnel des directeurs d’études que de réels besoins pédagogiques. Ils finissent par oublier que, dans leurs écoles, il y a des étudiants qui sont tous des artistes avec un besoin d’expression. J’ai une vision assez radicale mais je crois que c’est grave. Pour que l’art évolue, il doit être dérangeant à un moment ou à un autre, sinon, ce n’est plus de l’art.

La réalité virtuelle ?
On vit effectivement une grande révolution. Grâce à l’ordinateur, on peut se rapprocher des processus de perception du monde naturel. Mais il y a surtout la notion d’immersion qui est liée à la science-fiction. Les premiers moment importants dans l’histoire du virtuel, c’est l’apparition de la science-fiction en tant que littérature. Forcément, il y a une frustration. On a envie de voir exister ce monde là. Plus l’homme avance dans ces technologies, plus il arrive à fabriquer des systèmes qui vont faire exister cette réalité, de plus en plus réaliste, d’où les casques virtuels. Le vrai moteur n’est pas la virtualité, c’est la notion d’immersion, l’envie de réinventer une réalité imaginaire dans laquelle on va pouvoir se déplacer physiquement.

Entretiens Pascal Joseph

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