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Révolution informationnelle,
travail et société

Gérard Verroust à Hypermedia Université Paris VIII

INONDATION
DANS son roman "Les Animaux dénaturés", Vercors raconte une très belle histoire :

Une inondation ravage une vallée où vivent une tribu primitive et une colonie de castors.

Les castors, mus par leur instinct héréditaire, construisent un barrage et mettent ainsi leurs huttes à l'abri.

Les hommes, menés par leur grand sorcier, montent sur la colline sacrée pour invoquer leurs dieux et en implorer la protection. Évidemment, leur village est ravagé...

Et Vercors dit fort justement : bien sûr, ils semblent avoir eu un comportement absurde, ces hommes. Mais en réalité il y a chez eux quelque chose qui va beaucoup plus loin et qui porte en germe toute la civilisation à venir : ils ont cherché à comprendre, cherché les causes de leur malheur et en fait, implicitement les lois du monde. Là, ils se sont trompés et ont trouvé une explication religieuse fantastique qui a conduit au désastre mais, malgré les apparences, leur démarche va beaucoup plus loin que celle des castors. Un jour ils réussiront et feront de grandes choses. Dorénavant, une forme de vie supérieure existe sur terre..

Qu'est-ce que l'être humain ?

Une révolution : le premier être vivant chez qui l'acquis prime sur l'inné. Telle est en effet la définition de l'être humain dans l'histoire de la vie sur notre planète. Tel est aujourd'hui pour le biologiste ce qui différencie l'homme des animaux, même les plus évolués. Et récemment encore Jay Gould rappelait que chez l'Homo sapiens l'évolution n'est plus génétique mais est devenue celle des organisations sociales, en un mot l'Histoire.

Donc le petit humain qui nait n'est pas achevé. Cette simple particularité sur laquelle Jean-Pierre Changeux aime insister constitue une révolution dans l'histoire de la vie. Son système nerveux, son cerveau, et partiellement son corps continuent à se construire par l'interaction avec le monde matériel et social environnant dont il incorpore les lois, les valeurs, comme constituants de sa personne. Et il met les forces de la nature au service de son épanouissement, de sa domination, de sa survie en découvrant par l'action sur le milieu environnant les lois des forces naturelles qu'il utilise ensuite. C'est en ce sens qu'on a pu dire que la Science au sens le plus général est la plus spécifiquement humaine des démarches. Ce qu'Alexandre de Humboldt a résumé en une célèbre expression : << En la science et la connaissance résident la joie et la justification de l'humanité. >>

On voit tout la spirale ascendante qui en découle : l'action sur le monde, l'intégration de ses propriétés puis la définition à partir de cette réflexion de nouvelles actions, la création d'outils, afin de se réaliser, de s'épanouir, puis un niveau supérieur de réflexion. Nous avons là défini le travail. On conçoit aussi que l'humain est à la fois élément autonome et partie de l'univers ainsi que représentation partielle de l'univers lui-même.

Mais aussi l'être humain est structurellement un être social qui communique son expérience, son savoir aux contemporains et aux descendants (éducation).. Ainsi le savoir s'accumule dans le temps et se transmet. Et donc l'homme est le premier animal qui a une histoire.

Tout ceci permet de comprendre l'élaboration des formes les plus complexes de travail collectif, l'élaboration d'une culture technique et d'autre part les formes les plus riches de la communication jusqu'à ces modes supérieurs que sont l'Art et le langage, par ailleurs structuration sociale de la pensée.

L'humain est à la fois individu porteur d'une culture millénaire transmise par l'environnement social et élément de cet environnement social contribuant à l'enrichissement de celui-ci.

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©Gérard Verroust. Université Paris VIII.

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