LASTINDEXNEXT



Narcose narcissique


LA NARCOSE NARCISSIQUE
Addiction aux mondes persistants, ou narcose narcissique ?


6/mai/2009

(texte en cours de redaction)
Je perçois les artistes comme des Noonautes des explorateurs de la sphère de l'information : de la noosphère. La vocation artistique nous amène à naviguer dans des zones informationnelles inexplorées, peu connues, voir dangereuses, car, comme un voyageur qui explore le monde réel, l'artiste acquiert par son exprience et pratique de la "Tekné"une expertise de la nooexploration qui lui permettra de revenir plus ou moins intègre de ses voyages.

Après  2 ans intensifs d'exploration noonautique immersive du monde persistant ou MMORPG  "Second Life", à raison de 4 à 12h par jour,  j'ai tiré de ces noopérégrinations une réflexion sur la notion d'addiction aux jeux vidéo : Il me semble qu'on confond souvent une éventuelle forme "d'addiction" aux jeux vidéo  avec ce que Marshall Mc Luhan appelle " La Narcose Narcissique" dans son livre de 1964: "Pour comprendre les media" .

De 2007 à 2009, ayant souvent été suspecté d'être accroc aux métaverses par mes proches à la suite d'immersions profondes dans le cyberespace de plus de 48h consécutives, par un effort de feed-back mental, ou de jeu de miroir cybernétique que je pratique vis à vis de mes activités artistiques et de Noonaute depuis 25 ans,  je me suis observé naviguer dans ces nouveaux nooterritoires, et je pense avoir été "victime", comme beaucoup d'utilisateurs de ces nouveaux outils de communication, d'une forme non pas d'addiction, mais plutôt d'un syndrôme très ancien de stupéfaction cybernétique, appelée "narcose narcissique" généré par l'utilisation d'un outil cognitif puissant.

Le terme "d'addiction" est contreversé par certains professionnels de la psychothérapie qui le considèrent comme impropre, en particulier parcequ'il n'a pas été mesuré pour l'instant de modifications biochimiques dans les organismes des joueurs qui seraient comparables à celles provoquées par l'utilisation de drogues. Les comportements en apparence addictifs des explorateurs du cyberespace sont provoqués, selon moi, non pas, par des modifications physiologiques biochimiques similaires à ceux provoqués par les drogues dite addictives, mais par un état de conscience modifié relativement "naturel" et très ancien décrit par le sociologue canadien Marshall Mc Luhan  en 1964 par la jolie expression de  : Narcose narcissique.

Marshall Mc Luhan a beaucoup écrit à propos des modifications cognitives provoquées par l'utilisation des outils, en particulier, dans son fameux livre "Pour comprendre les media",  il va remettre en question la pertinence de formules comme : "Les réalisations de la science moderne ne sont pas bonnes ou pernicieuses en soi : c’est l’usage que l’on en fait qui en détermine la valeur".   Au contraire, Marshall Mac Luhan va développer l'idée que les outils peuvent avoir une influence néfaste du fait même de leur fonction et de leur utilisation car pour lui, les outils sont des prolongements de nous mêmes, des extensions physiques, ou cognitives directement reliées à notre système nerveux central, et de ce fait, leur utilisation influera inévitablement sur notre psyché.

UN EXEMPLE ANCIEN : L'AUTOMOBILE

Une des meilleurs façon que je connaisse de vulgariser ou d'illustrer le concept de "narcose narcissique" de Marshall Mc Luhan, est d'analyser notre relation à l'automobile, qui est un outil sophistiqué ancien et dont nombreux sont ceux qui ont déjà succombé un temps à son pouvoir en apparence "addictif", en conduisant des heures, des jours parfois le long des réseaux routiers du monde réel,  simplement pour le plaisir de piloter cette prothèse surpuissante : d'être grisé par les vertiges de la vitesse. Parfois, l'addiction à l'automobile va entraîner le conducteur vers des extrêmes comportementales fatales, ou vers un investissement existentiel radical comme les designers, les sportifs, les collectionneurs... mais le plus souvent, le phénomène de "possession" narcotique exercé par l'usage de l'automobile va disparaître au bout de quelques années, lorsque le conducteur aura atteint les limites du symbiote humain/automobile : lorsqu'il sera sorti de la narcose narcissique.
Narcose narcissique automobile
L'automobile, si j'adopte une vision Mac Luhannienne des choses, est un prolongement de nous même, une extension des jambes : C'est une prothèse, un outil qui sert à amplifier la fonction de marcher ou courir. Mais en même temps que l'automobile amplifie la fonction de courir, son utilisation va provoquer deux phénomènes cognitifs spécifiques.

------ 1- un état de narcose narcissique.
-------2-une amplification des  tropismes cognitifs ancestraux associés à la course
------1- LA NARCOSE NARCISSIQUE

"Le jeune Narcisse prit pour une autre personne sa propre image reflétée dans l’eau d’une source. Ce prolongement de lui-même dans un miroir engourdit ses perceptions au point qu’il devint un servomécanisme de sa propre image prolongée répétée.
.../...
Ce qu’il y a d’intéressant dans ce mythe,  c’est qu’il montre que les hommes  sont immédiatement fascinés  par une extension d’eux-mêmes faite d’un autre matériau qu’eux."

-----------------Marshall Mc Luhan. L'amour des gadgets. Narcisse la narcose. Pour comprendre les media - 1964
Narcose narcissique automobile
Pour Marshall Mc Luhan, les outils sont des extensions de nous même qui, en amplifiant nos fonctions physiques ou cogntives  provoquent un état de stupéfaction spécifique : comme Narcisse est stupéfait par son propre reflet, nous sommes stupéfait par le reflet du cyborg que nous devenons lorsque nous utilisons un outil puissant qui nous transforme en nous "amplifiant".

L'utilisation de l'automobile nous plonge dans cet état de narcose narcissique, dont nous ne sortirons que lorsque nous saurons qui nous sommes devenu avec cette prothèse greffée.

"Narcisse est hypnotisé par le prolongement et l’amputation de son propre être dans une forme technologique nouvelle."
--------------- Pour comprendre les média, Le message, c’est le médium. Page 29. Marshall Mc Luhan, 1964.

"Connais-toi toi-même" Une des quête existentielle fondamentale des humains peut-être résumée en ces quelques mots : Qui suis-je, où vais-je, qu'est ce que la "réalité", quête de sens dont le "Qui suis-je" fait écho au fameux Gnôthi Seauton attribué parfois à Socrate, pafois àThalès, "connais toi toi-même", formule célèbre à laquelle la frise du temple d'Apollon à Delphe aurait ajouté: et tu connaitras l'univers et les Dieux. Illustrant ainsi la vanité intrinsèque d'une quête fort peu Socratique, dont l'accomplissement ne pouvait qu'appartenir aux domaines réservés du divin. Comme chacun le sait, passer les bornes il n'y a plus de limites, et hélas l'illimité est hors de notre porté, (sinon l'infini de notre méconnaissance qui elle est effectivement d'un ordre de grandeur à la mesure du divin, et qui elle est bien de nature Socratique).

Faute d'avoir accès aux connaissances divines, nous avons cependant élaboré des stratégies typiquement humaine afin de nous connaître, qui consistent (entre autre) à précisément explorer nos failles, atteindre nos limites. Car c'est lorsque nous avons atteint nos limites physiques ou cognitives que nous obtenons une partie de la réponse à la question, "Qui suis-je? " sans pour autant s'être investi dans une quête inaccessible d'excellence divine.

L'humain est un cyborg amélioré. On peut considérer que l'être humain est dès ses origines un cyborg (organisme cybernétique). En effet Norbert Wiener, l'inventeur de la cybernétique, fait des notions de rétro-action et de traitement de l'information les caractéristiques de tout organisme vivant, (et de type IA) conférant ainsi une nature cybernétique à tout le vivant. Mais, l'être humain peut d'autant plus être considéré comme un cyborg qu'il a toujours eut une relation symbiotique avec ses outils dont les plus anciens sont les vêtements, l'habitat, les armes, les outils de construction, de communications graphiques ou musicaux... etc...

Or l'utilisation d'outils n'est pas neutre... en amplifiant une partie de nous même, chaque outil va provoquer cet état de stupéfaction, de narcose narcissique particulière relative à la fonction physique ou cognitive qui est amplifiée.

Un outil puissant comme l'automobile multiplie nos capacités motrices par 50, en l'utilisant nous amplifions/transformons radicalement les capacités du cyborg que nous sommes, et pour comprendre ce que nous sommes devenus nous allons devoir explorer les limites de cette nouvelle prothèse cybernétique que nous nous sommes greffés. Ce n'est qu'une fois que nous aurons atteint les limites du biomécanisme chauffeur/véhicule que nous sommes, que nous sortirons de la narcose narcissique, car nous ne seront plus fascinés par cette symbiose homme machine qui nous a transformé, et nous pourrons détacher notre regard intérieur et extérieur du reflet de superbiomécanisme.

Les exemples permettant d'illustrer cette symbiose cybernétique sont aussi nombreux que nos outils :

L'appareil photo et la caméra vidéo, qui sont parfois utilisé comme des extensions de l'oeil en surveillance, ou en médecine , sont surtout dans leurs extensions les plus populaires, des extensions de la mémoire. Le syndrôme de narcose narcissique se caractérise par une manie de la captation... celle de filmer ou photographier  en permanence l'éphémérité, chaque instant d'un voyage, d'un événement, d'une émotion forte,  au risque de ne plus "vivre" ou "exister" qu'à travers l'acte de filmer ou photographier.

Le pistolet, qui est une extension de la main et qui amplifie la fonction de toucher va provoquer un état de narcose narcissique durant lequel le "tireur" va chercher inlassablement à atteindre des cibles de plus en plus éloignées, jusqu'à ce qu'il atteigne ses limites de précision et de dextérité...

Les vêtements sont des outils ancestraux, tellement fondamentaux et anciens que nous n'en percevons plus la nature d'outil, tellement notre relation a nos vêtements est devenue symbiotique.

Comme des couteaux suisses, les jeux vidéo et les mondes persistants sont un regroupement d'outils amplifiant des fonctions cognitives différentes et augmentant l'état de stupéfaction de la narcose narcissique, car il faudra du temps avant d'atteindre les limites de ce que nous sommes PLUS l'informatique PLUS les réseaux sociaux PLUS un corps cybernétique (l'avatar) PLUS etc...

Cet état de narcose narcissique génére des similitudes comportementales avec les états addictifs provoqués par certaines drogues et qui peuvent inquiéter les proches. En effet, en état de narcose narcissique, les explorateurs des mondes virtuels, peuvent rester devant leurs écrans informatiques plusieurs journées d'affilées, comme des conducteurs novices roulant inlassablement dans la nuit des autoroutes, ou de jeunes marins naviguant sur les mers en solitaires à la recherche des cyborgs qu'ils sont devenus...

"Fusionnant avec nos unités centrales et nos microprocesseurs robotisés, nous nous immergions avec délectation dans les réseaux des réseaux à la recherche de ce que nous étions devenus sans avoir jamais compris ce que nous étions déja. "  noogenesis - Yann Minh- ed Traverses

La différence entre une réelle addiction et la narcose narcissique, c'est qu'une fois atteint les limites de ce que nous sommes devenus avec ces greffes  technologiques, nous sortons de cet état de stupéfaction sans dommages cognitifs, au contraire, nous "revenons au monde" plus fort d'une expérience nouvelle. Comme un dormeur sortant de ses rêves, nous émergeons affranchis de la fascination et de toute dépendance à l'outil, car nous le "Maîtrisons".
A la différence de ce que provoquent les drogues addictives, dans l'état de Narcose narcissique, à aucun moment nous n'avons souffert d'un douloureux  syndrôme de manque, nous souffrons d'un besoin de compréhension... compréhension de l'outil,  de ce que nous sommes, et peut-être aussi, compréhension de notre entourage.

2- Amplification des tropismes cognitifs associés à la course.

Quand l'Humain court-il ?
Lorsqu'il chasse , lorsqu'il attaque, lorsqu'il fuit ..   donc dans un contexte de compétition...
Ainsi, lorsqu'un(e) jeune conducteur(trice) se retrouve au volant d'un véhicule, en même temps que l'automobile va amplifier ses capacités de déplacement, elle va aussi amplifier ses tropismes de prédation ancestraux associés à la course.
Ce qui conduit beaucoup de jeunes ou moins jeunes conducteurs(trices) à adopter des comportements à risque, (en particulier il/elle va avoir tendance à entrer en compétition avec les autres conducteurs... )



3- Les I.A. faibles (intelligences artificielles faibles) sont des outils amplificateurs de rationalité

Cyberart Pour marshall Mac Luhan, les outils sont des amplificateurs de nos fonctions physiques et cognitives, il convient donc de chercher à identifier ce qu'ils amplifient :
Lorsque nous utilisons un nouvel outil, il est souvent utile de se poser la question inspirée des réflexions de Marshall McLuhan : -”Quelle fonction physique ou cognitive cet outil amplifie t’il chez moi ?”
L'automobile amplifie les jambes
L'appareil photo amplifie la mémoire
Les réseaux sociaux numériques sont des amplificateurs existentiels
Posons nous la question : -”En tant qu'outils, de quelles fonctions physiques ou cognitives les I.A. contemporaines sont les amplificateurs...”

La réponse, une fois formulée devient une évidence :
Les I.A faibles sont des amplificateurs de rationalité. Ce sont des outils permettant de multiplier nos capacités analytiques de mesure/ratio...
Et elles ont le défaut de tous les outils, qui est de provoquer un état de narcose narcissique provisoire durant lequel nous explorons avec elles les limites de notre rationalité analytique amplifiée.
Depuis l’avénement des I.A. faibles, l'humanité est entrée dans un processus narcotique où nous explorons les limites de notre rationalité augmentée par les machines qui provoque un état “d’hyper-rationalité” dont nous ne sortirons qu’une fois atteintes nos limites avec ces extensions cognitives, ce qui peut prendre plusieurs décennies, car plus nous outils sont puissants et performants, plus ils provoquent un état de narcose narcissique qui dure longtemps.
Les futurs I.A. fortes à supposer qu’elles existent un jour, seront forcément "irrationnelles" car la “rationalité” n’est pas le seul critère discriminant la notion d’intelligence. Par contre, les I.A. faibles, sont, et seront surtout des outils amplifiant notre "rationalité.



LIENS :
La Narcose Narcissique.
La réponse aux médias

Ecrivez-moi HOME PAGE
LASTINDEXNEXT
Back