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THANATOS,Les Récifs. (2me Extrait)

DYL

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Les pitons basaltiques dérivent dans un ciel brumeux, troué par la face blafarde d’une lune démesurée. Une faible clarté orange scintille aux fenêtres des palais d’onyx surplombant l’abîme. Ailes déployées, les dragons d’émeraudes, dérivent au gré des alizés, sous les ponts suspendus tendus entre les parois de basalte noir.
Emportées par les volutes de brise tiède, de longues spirales étoilées de lucioles s’effilochent entre les défilés rocailleux.

Une force maléfique, implacable surgit des profondeurs.
Le paysage de légende explose en débris acérés tournoyant lentement dans une orbite centrifuge. L’explosion ralentie dévoile le tueur en marche. Le canon court et épais crache des flammes brutales.

Des corps nus, déchirés par les balles, virevoltent dans une danse désarticulée, avant de s’effondrer sur les grilles métalliques des passerelles. Il pleut du sang entre les étages. Les corps se fanent, les os trouent la peau, les vers rampent dans le parchemin des seins et des cuisses.

Le sourire squelettique de la mort crève les visages identiques, la même jeune femme assassinée, les mêmes immenses pupilles gris bleu figées sur l’éternité, les mêmes lèvres qui s’entrouvrent dans un sourire extatique, le même sourire, le même regard que celui du tueur, victime et bourreau

...Dyl se réveilla en sueur, c'était un cauchemar... encore un cauchemar qui vient détruire le rêve.
Les yeux encore fermés, d’une main fébrile elle chercha la tablette numérique à la tête du lit, renversant dans sa précipitation le cendrier et la pile de CDV.

Assise en tailleur, maniant le crayon optique d’un geste habile, elle esquissa sur la plaque lumineuse, l’entr’aperçu fugitif. Un nouveau paysage vint s’ajouter aux centaines de croquis qu’elle archivait, depuis que les rêves étaient apparus. Cela ressemblait au carnet de voyage d’un explorateur perdu dans un monde fantastique. Un bestiaire démoniaque issu de rêves surréalistes.

L’habitude de retranscrire ces bribes de songes qui perduraient un instant lors de l’éveil, lui avait donné une maîtrise certaine de l’exploration des rêves. Au réveil ne subsistait plus que quelques réminiscence fugaces, d’images et d’émotions étranges, incohérentes. Une myriade d’images mentales ésotériques, qui se dissolvaient imperceptiblement, lorsque s’écoulaient de nouveau les flux ordonnés de sa conscience.

Pour Dyl, ces rêves de mondes étranges n’étaient pas des rêves normaux. Ils avaient cette précision particulière aux souvenirs. Et ces souvenirs pourraient peut-être lui apprendre enfin qui elle était. Dyl n’avait aucun souvenir de son enfance. Sa mémoire ne commençait que six ans plus tôt, lorsqu’à treize ans, elle s’était réveillée dans un hôpital de la capitale.

Délaissant la tablette numérique, Dyl roula hors du lit et se releva d’un bond face aux grandes baies vitrées de son appartement, détaillant rapidement sa silhouette féline à la musculature discrète, en surimpression sur le scintillement de la ville. Malgré ses dix-neuf ans, elle avait encore un corps d’adolescente batailleuse. Elle était mince, avec un port droit de danseuse et des petits seins hauts perchés.
Elle se trouva belle, elle aima ce reflet que lui renvoyait la cité, et immédiatement une bouffée érotique l’entraîna dans les souterrains de sa conscience. Elle se sentait désincarnée et aurait voulu voir ce corps qui était le sien dans les bras d’hommes et de femmes.

Rapidement, elle enfila un slip, un body ajouré et son jean noir moulant. Le glissement des étoffes sur sa peau accentua son désir de sensualité. Elle avait envie de chair et de violence. Elle enfourcha son miniscoot, et le débrancha du chargeur, pendant que Ninja, le portique robotisé, longeait la façade de la tour de sa reptation arachnoïde, et extirpait l’appartement de son alvéole pour le déposer au niveau de la rue...
©1997Editions Florent-Massot
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